Un enjeu sémantique particulier réside dans les usages et la comparaison des notions de racisme et de xénophobie. À la fin du xxe siècle, les deux termes tendent à être utilisés de manière indifférenciés dans le langage courant et dans les médias de masse, comme si le terme plus ancien et plus utilisé de « racisme » subissait une euphémisation de son sens à mesure où disparaissent les idées relatives aux fondements biologiques de la race. On parle ainsi de « racisme culturel » ou de « racisme anti-jeunes » comme par métaphore évoquant une différenciation symbolique comparable à celles qui existèrent dans les croyances biologiques sur la race et perdurent parfois avec celles-ci.
Le racisme pourtant apparaît comme un ensemble sémantique et idéologique distinct de la xénophobie : ancré dans les croyances relatives aux relations entre l’intellect, le psychisme et les différences physiologiques d’abord celles liées au sexe puis à la couleur de peau16 Dans la culture politique européenne, le racisme fit, par le passé, l’objet de théorisations savantes, souvent liées aux couleurs de peau, plaçant généralement les blancs au-dessus des noirs. Ces théories ont induit, même au-delà de leur culture d’origine, des hiérarchies symboliques corrélées aux degrés de blancheurs ou noirceurs des peaux, ce que l’on nomme le « colorisme ».
Du racisme, Albert Memmi donne la définition suivante : « le racisme est la valorisation, généralisée et définitive, de différences biologiques, réelles ou imaginaires, au profit de l'accusateur et au détriment de sa victime, afin de justifier une agression. »17 Ce chercheur souligne ainsi la dimension violente et politique de l’idée raciste, débouchant sur des actions collectives ou militaires au détriment des races réputées inférieures ou dangereuses. Par contraste, la notion de xénophobie évoque moins d’organisation systématique de la violence symbolique et physique ; comme si elle était plus floue et plus diffuse, au moins tant qu’elle ne se transforme pas en une forme de conflictualité radicale qui deviendrait autre chose, du racisme, de l’homophobie, de la transphobie, du sexisme, une persécution religieuse, etc.
Cette apparente modération de la xénophobie, par rapport au racisme, doit cependant être relativisée en tenant compte du contexte historique : les mentalités à la fin du xxe siècle sont marquées par la mémoire de la Shoah et de ses soubassements racistes. Dans de nombreuses sociétés, notamment occidentales, le racisme se trouve disqualifié tant comme théorie scientifique que comme discours politique. Des lois le définissent et le sanctionnent qui ne suffisent pas à éradiquer toute croyance à ce sujet mais contraignent à des formes d'euphémisation. De ce fait, la xénophobie se substitue parfois au racisme d’antan, en introduisant seulement plus de précautions dans la désignation des stigmates de l’altérité honnie18.
La Déclaration et programme d'action de Vienne prie instamment tous les gouvernements à prendre des mesures immédiates et à élaborer des politique fortes, y compris de la sanction pénale, pour prévenir et combattre toute manifestation de racisme, xénophobie et relation à l’intolérance19.